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Entretien avec David Brown – Une Église en bonne santé

Virginie Lutete
  • Virginie Lutete
  • 21 Février 2024
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1. Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis pasteur depuis plus de quarante ans. Mon ministère était surtout dans l’implantation d’Église. D’abord à Nancy, et puis en région parisienne. J’en suis maintenant à ma quatrième implantation. J’ai été secrétaire général des Groupes bibliques universitaires (GBU). Je travaille avec l’European Leadership Forum, dans le cadre duquel j’ai écrit ce livre.

2. Pourquoi avoir écrit un livre sur la revitalisation d’Église ?

Il se trouve que j’avais plutôt un ministère d’implantation, mais entre 2008 et 2020 j’ai été pasteur dans une Église du 17e arrondissement à Paris, où, pour la première fois, je me suis retrouvé pasteur d’une Église que je n’avais pas implantée. Elle passait par pas mal de difficultés. Et c’est avec enthousiasme que j’ai accepté d’y aller pour découvrir autre chose. Dans un sens, il fallait que je « réimplante » cette Église car c’était le seul vocabulaire que je connaissais, mais au fur et à mesure, j’ai découvert que dans d’autres pays, notamment les États-Unis, on parlait de « revitalisation » d’Église. C’était un vocabulaire que personne n’employait en France à l’époque. J’ai fait de nombreuses recherches et je me suis rendu compte que c’était une réflexion très importante pour les Églises. J’ai commencé à davantage employer le vocabulaire de « revitalisation » et c’est ce que j’ai fait avec cette Église. J’ai appris beaucoup de choses en faisant ; on dit bien que « c’est en forgeant qu’on devient forgeron ».

C’est dans cette Église que j’ai pris conscience des enjeux et j’ai compris qu’il fallait contextualiser la façon de faire des livres américains en en gardant les pistes intéressantes. À ce moment-là, j’étais engagé dans l’European Leadership Forum et on m’a demandé de créer un réseau « Revitalisation », ce que j’ai fait il y a cinq ans. J’ai travaillé et réfléchi avec un Britannique et un Roumain, ce qui fait que j’ai pu mener des séminaires sur la revitalisation dans pas mal de pays européens. C’est en comparant les situations dans ces nombreux pays que je suis arrivé à plusieurs conclusions et vu ce qui peut fonctionner en France. J’ai fait des séminaires sur ce thème à l’Institut biblique de Nogent et j’enseigne sur ce sujet à l’Institut biblique de Genève. J’ai également donné des séminaires lors de week-ends d’Église en francophonie.

3. Quel portrait pourrait-on faire de l’Église de France aujourd’hui ?

Quand je lisais les livres américains, beaucoup s’appuyaient sur une étude qu’avaient faite les baptistes du Sud (plus grande dénomination ecclésiale aux États-Unis) où ils disaient que plus de 85 % de leurs Églises plafonnaient ou étaient sur le déclin. À ce moment-là j’étais président de la commission « évangélisation » du CNEF et j’avais la possibilité de faire quelques recherches. J’ai demandé aux présidents et secrétaires généraux des unions d’Églises rattachées au CNEF de me dire subjectivement où est-ce qu’ils placeraient leurs Églises : Église en bonne santé, Église qui plafonne ou décline, Église en danger de disparition. Il en est ressorti que 51 % étaient en bonne santé et que 49 % avaient besoin de revitalisation. C’était subjectif, mais ça m’a ouvert les yeux quant à la nécessité de traiter ce sujet pour la francophonie.

4. Les trois Églises fictives de votre livre, sont-elles représentatives des Églises françaises ? Pouvez-vous nous les présenter ?

Ce sont des histoires fictives, qui représentent trois défis. Le premier défi, c’est une Église qui n’est pas en danger de disparition mais qui est vieillissante. Le deuxième cas de figure est une Église, qui peine à se maintenir parce qu’elle est plus petite et en zone rurale. La troisième, je ne l’aurais pas mise dans la catégorie revitalisation au début de mon travail, mais aujourd’hui, je dis le contraire. C’est une Église qui apparemment marche relativement bien, qui attire du monde, mais qui est dans une routine dans laquelle on ne tente rien de nouveau. L’exemple que je donne pour elle, c’est une expérience que j’ai vécue en région parisienne. L’Église voulait toucher les jeunes professionnels, et on a commencé un culte du soir, car la plupart des non-chrétiens dans cette catégorie-là ne vont pas venir au culte le dimanche matin. C’était pour dire que même une Église qui semble bien aller, si on n’y réfléchit pas, risque de se scléroser par la suite.

5. Quels sont les fondements bibliques de la revitalisation d’Église ?

Je pense d’abord à l’Ancien Testament et aux cycles des rois qui ne s’intéressent pas trop à tout ce qui est spirituel. Puis arrive un bon roi avec des réformes de « revitalisation » pour le pays. Il y a aussi plus largement le rôle des prophètes qui disent que ce n’est pas la chair mais le cœur qu’il faut circoncire et que même si le peuple suit à la lettre la loi, le cœur n’y est pas. Voilà la base pour l’Ancien Testament, mais je donne plus de détails dans le livre.

Ensuite il y a le Nouveau Testament dont l’exemple le plus courant est celui des lettres aux sept Églises dans les chapitres 2 et 3 de l’Apocalypse. Sur les sept, il y en a cinq qui ont besoin de changement pour différentes raisons : elles ont perdu leur premier amour, elles sont tièdes, ou bien elles ont une réputation d’être vivantes, mais sont mortes.

Voilà, deux bonnes bases bibliques. J’ai souvent entendu cette phrase dont j’ai horreur : « il est plus facile de donner naissance que de ressusciter un mort », pour dire qu’il vaut mieux implanter que revitaliser.

6. Est-ce que revitaliser une Église s’oppose à l’implantation ?

Non, l’un ne s’oppose pas à l’autre et j’en suis la preuve. Actuellement je travaille sur la revitalisation tout en implantant une Église. On a besoin de nouvelles Églises, mais il faut dire que parfois, au bout de dix ans, une implantation a déjà besoin d’une nouvelle vie. Il faut les deux, c’est comme les deux ailes d’un avion.

On a vraiment besoin d’implanter en France. Mais en même temps, ce serait se voiler la face que se dire que, parce qu’on a implanté le travail est fait. Il faut que les Églises continuent à évoluer car la société change. Si une Église ne s’adapte pas, même si elle semble aller bien, on va droit dans le mur.

7. Est-ce qu’il y a une méthode type pour revitaliser une Église ?

schéma, église en bonne santé
Une Église en bonne santé

La réponse courte est non. Il y a deux aspects : la revitalisation, c’est une vision et la mise en pratique de cette vision. On a beaucoup réfléchi avec des personnes dans toute l’Europe pour arriver à la notion d’une Église en bonne santé (schéma p. 77). Il ne s’agit pas d’une définition théologique de l’Église, mais de rappeler que l’Église est centrée sur l’Évangile, qu’en tant que disciple on doit aimer Dieu et son prochain, et qu’on doit prendre en compte le contexte culturel dans lequel on se trouve. C’est ce que les missionnaires font quand ils partent à l’autre bout du monde, mais c’est aussi vrai pour nous ici. Je pense que c’est là le socle biblique d’une bonne vision d’Église. Pour la partie de la mise en pratique de la vision, on met en avant une vérité théologique : l’Église rassemblée et l’Église dispersée. Je pense que l’Église rassemblée est absolument nécessaire (Hébreux 10), mais on se réunit pour s’encourager à l’amour et aux bonnes œuvres, et donc pour se préparer à ce qu’on vit dans la majeure partie de notre temps. Dans notre monde sécularisé, notre vie individuelle en tant que chrétien est probablement le seul contact que nos contemporains ont avec le christianisme. Il y a quatre domaines où nous devons vivre en tant que chrétien en faisant du bien et en partageant l’Évangile : la famille au sens large, le quartier ou la ville où l’on habite, notre lieu de travail ou d’étude et nos loisirs et/ou nos amis. C’est à cela que nous nous préparons le dimanche matin en Église rassemblée, car le reste de la semaine nous vivons en Église dispersée. Le schéma est là pour aider les responsables d’une Église à partager cette vision avec les membres de leur communauté.

La première étape est la prise de conscience de quelques-uns dans l’Église qu’il faut faire quelque chose et ensuite présenter cela à l’Église. Vient ensuite la mise en œuvre, et là il n’y a pas de méthode type, car il faut prendre en compte notre contexte culturel.

Il n’y a donc pas de méthode type, mais j’espère que la vision sera partagée.

8. Pouvez-vous nous résumer les trois axes de la revitalisation (social, sociétal et spirituel) ?

Ces trois axes correspondent aux trois facettes d’une Église en bonne santé. Aimer Dieu c’est l’axe spirituel, aimer les autres c’est le social, et pour le sociétal on peut aussi parler de contextuel. Cela veut dire que la première chose qu’on veut développer pour avoir une Église en bonne santé, ce sont les relations entre les gens. D’abord à l’intérieur de l’Église (on retrouve environ 25 fois l’expression « les uns les autres » dans le Nouveau Testament), mais aussi les relations avec les non-chrétiens, c’est-à-dire les réseaux dans lesquels on vit. C’est extrêmement important d’aider les gens à bâtir des relations. Je cite dans le livre un sondage qui avait été fait par la commission évangélisation du CNEF où 85 % des pasteurs disent que le point le plus important dans l’évangélisation, c’est le relationnel. On a refait un autre sondage il y a trois ans auprès de personnes récemment converties qui venaient d’un arrière-plan pas du tout évangélique, et là encore, deux tiers, voire trois quarts d’entre elles ont répondu que c’est par le biais de quelqu’un qu’elles connaissaient qu’elles avaient entendu l’Évangile.

Ensuite le sociétal : ce n’est pas pour devenir comme le monde, mais pour dire qu’on se trouve dans une culture et qu’on est obligé d’y être. L’apôtre Paul, en 1 Corinthiens 9.22 dit : « C’est ainsi que je me fais tout à tous, afin d’en conduire au moins quelques-uns au salut par tous les moyens. » Il faut que l’on soit en partie adapté aux personnes qui sont autour de nous, à leur mode de vie, à leurs questions, etc. La relation entre la culture et la foi est complexe car il y a des choses qu’on peut accepter et d’autres pas, et chacun ne mettra pas le curseur au même endroit. Mais il y a un point qui est indiscutable, c’est qu’une Église ne peut pas être dans une bulle qui la couperait complètement de la société dans laquelle elle se trouve.

Enfin, le spirituel : je développe l’idée dans l’ouvrage que lorsqu’on est ensemble pour notre culte, cela doit servir à la louange de Dieu, ensuite à l’enseignement de la Parole. Mais il y a une troisième chose, que je recommande dans le livre : il faut apporter un enseignement sur le monde dans lequel on vit pour le comprendre. Quelques exemples : expliquer la laïcité, parler des questions de genre, de l’écologie, du début et de la fin de vie, etc. Mais aussi comprendre l’histoire de l’Église (les Pères de l’Église, Blaise Pascal, etc.), ou la situation de différents pays dans le monde, notamment concernant la persécution des chrétiens. Je pense qu’il est important que cela soit fait quand les chrétiens se rassemblent. Si les gens ont des contacts avec des non-chrétiens, ils seront sûrement confrontés aux questions que ces gens se posent ; il faut donc les aider à formuler les réponses. 85 % de chrétiens ont répondu dans un sondage présenté par le CNEF en 2022 que lorsqu’un collègue parle d’un sujet d’actualité, ils ne savent pas quoi dire. Si cela n’est pas inclus dans une rencontre de chrétiens, et donc dans notre spiritualité, on aura une spiritualité qui n’est pas en contact avec le monde. Les chrétiens n’auront pas conscience des enjeux qui les entourent, et nos contemporains ne comprendront pas pourquoi on ne parle pas de ces sujets-là.

9. Le changement doit-il être rapide et visible ou bien se faire de manière plus lente et dans la durée ?

Lorsqu’on a accepté la vision, la mise en œuvre va être plus longue. On n’est pas obligé de tout changer du jour au lendemain ; les personnes n’ont pas forcément envie de faire cela. Je pense que ce ne sont pas les plus âgés qui sont les plus réticents au changement, mais souvent les jeunes qui n’ont connu que leur Église et qui pensent qu’on va attirer des personnes parce qu’on a le meilleur groupe de louange de la ville. Ce qui m’a étonné dans le sondage du CNEF précédemment cité, c’est que ce qui compte le plus c’est le relationnel, mais surtout c’est que la musique n’a jamais été mentionnée. Ce n’est pas que la musique est mauvaise, mais qu’il faut autre chose que cela pour attirer les gens. Par exemple, dans notre Église à Paris, lorsqu’on a commencé les cultes du soir, les non-chrétiens qui étaient là n’aimaient pas les moments de chants car ils ne savaient pas quoi faire pendant les chants. On a choisi de chanter seulement le premier dimanche du mois car il y a d’autres moyens de louer Dieu.

Jeunes ou moins jeunes, il ne faut pas brusquer les choses. Pour moi la meilleure chose à faire est de revenir à cette vision de ce qu’est une Église en bonne santé pour relativiser le reste. Mais ça peut être long.

10. Que voudriez-vous dire pour encourager les Églises et/ou les personnes pour se lancer dans une démarche de revitalisation ?

Je pense que ce qu’il ne faut pas faire, c’est critiquer, parce que, quand on critique, les gens se referment sur eux-mêmes. La question que j’aime plutôt poser c’est : on a toute une histoire derrière nous, comment est-ce qu’on peut faire mieux aujourd’hui ? C’est une question positive qui n’est pas en train de tout remettre en question. J’ai envie de dire comment est-ce qu’on peut faire mieux pour notre bien à nous, mais aussi pour avoir de meilleures relations avec notre entourage. Qu’est-ce qu’on peut faire pour que l’Église rayonne plus dans la ville ? Il faut encourager positivement.

11. Avez-vous deux ou trois livres à conseiller à nos lecteurs (en lien avec la thématique ou non) ?

Les deux livres que j’aimerais proposer sont dans les ressources complémentaires de mon livre page 331 :

Pour moi, ce sont deux livres qui sont largement complémentaires et que je recommande autour de moi.

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